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le 11/11/2016
« Christian Laborde est mon frère de race mentale. C’est un poète, c’est-à-dire un homme qui parle une langue de couleurs à délivrer les grands baisers de l’âme. »
CLAUDE NOUGARO
« Votre roman, déjà lu deux fois, est beau. Et la beauté de Laure d’Astarac restera dans notre mémoire. »
ANDRE PIEYRE DEMANDIARGUES
L’Os de Dionysos
L’Os de Dionysos a été censuré en 1987 pour :
-« trouble à l’ordre public »
-« incitation au désordre et à la moquerie »
-« danger pour la jeunesse en pleine formation physique et morale »
-« pornographie »
-« lubricité »
-« paganisme »
-« abus de mots baroques »

Censuré,
l’auteur a été immédiatement suspendu de ses fonctions de « prof de
lettres françaises/ et d’occitan aussi à la récréation »(Claude Nougaro,
Prof de lettres). Une sagaie de L’Os avait provoqué
l’ire du ministre de l’Education nationale. La voici : « Recteur,
recta, rectum, voie hiérarchique, voie naturelle »
L'os de Dionysos au théâtre
Autres distinctions, médailles et fourragères
1985 : Grand Prix de Littérature de l’Académie Charles Cros pour Claude Nougaro, l’homme aux semelles de swing (Editions Privat)
2010 : Médaille du Tour de France par Bernard Hinault pour l'ensemble de ses livres consacrés à la Grande Boucle au départ de l’étape Pau-Col du Tourmalet.
2013 : Prix Luis Nucéra pour Tour de France Nostalgie (Editions Hors Collection)
2016 : Vigneron d’Honneur de la Viguerie Royale du Madiran
2017 : Prix Jacques Lacroix de l’Académie Française pour La Cause des vaches (Editions du Rocher)
« Christian
Laborde, homme de poésie comme on dit homme d’armes, toujours prêt à
tirer sa rapière, inlassable mousquetaire de la beauté, arborescence de
rocaille, cataracte de mots, tout revêtu de rosée, de grâce
vélocipédique, de baroque, d’heures fougueuses, de rythmes, de crêpes
noirs ou rutilants, d’écorce de Delteil, de foi universelle en la
nature, les ours, la danse, la langue, la musique.»
LOUIS NUCERA, Les contes du Lapin agile
«
A la réflexion, Laborde, révérence gardée, est un lascar des Lettres
Françaises quand tant d’autres, dont on fait si grand cas aujourd’hui,
n’en sont que les poupées gonflables. Laborde est un romancier de
tempérament, qui doit avoir beaucoup d’ennemis, comme il est d’usage
pour tout bon écrivain. Il est porteur d’un univers. Davantage révolté
que révolutionnaire, anti-conformiste qui ne se soumet pas, il est de la
famille des Barbey d’Aurevilly, des Bernanos. Ses petits frères
s’appellent Sébastien Lapaque et Jérôme Leroy. Il s’agit, on le voit,
d’un gentlemen et ne l’est point qui veut.Bref, comme
d’habitude, il faudra cinquante ans pour que les crétins et les jaloux
l’admettent, mais en cette détestable époque, Laborde est un de nos
rares bons écrivains. »
FREDERIC H. FAJARDIE
« Connu de nos
services de police pour érotomanie publique et manifeste depuis
l'interdiction de "L'Os de Dionysos" en 1987, Christian Laborde est un
dangereux obsédé textuel »
FREDERIC BEIGBEDER
« De Claude
Nougaro, son ami, son modèle, auquel il a consacré des livres filiaux et
dont il transmet la bonne parole de ville en ville (il exaltera «
l’Homme aux semelles de swing » au Festival d’Avignon), l’intranquille
et réfractaire Christian Laborde a hérité de l’art de jongler avec les
mots, la fibre jazzy, le physique de boxeur et l’accent tonique du
Sud-Ouest. Même quand il râle, fulmine et part en guerre, on dirait
qu’il chante, danse et s’esclaffe. »
JERÔME GARCIN
« Ce qui
frappe chez Christian Laborde, troubadour de l’Adour, swingueur
intempestif qui a su faire à l’occasion danser la langue avec ses
compatriotes et amis du Sud-Ouest comme Nougaro ou le jazzman Bernard
Lubat, c’est une forme de constance. Il est toujours en guerre, depuis
presque trente ans, contre l’ennemi le plus dangereux qui soit: le
désenchantement du monde »
JERÔME LEROY
«Fantasque, insolent, forte tête, Christian Laborde est un personnage à part de la littérature française.»
GILLES MARTIN-CHAUFFIER
"François
Rabelais a un fils, il s’appelle Christian Laborde. Même insolence,
même verve, même joie. Même façon de bousculer la langue, de faire
swinguer la syntaxe. Même bonheur d’inventer des mots, des histoires,
des personnages. »
SEBASTIEN LAPAQUE
Le swing des mots dits
(2010: Bernard Hinault remet à Christian Laborde la Médaille du Tour de France pour l'ensemble de ses livres consacrés à la Grande Boucle)
Christian Laborde ne fréquente pas Le Flore. Ses livres tissent une œuvre littéraire des plus singulières. "A la réflexion, Laborde est un lascar des Lettres françaises ", disait de lui Frédéric Fajardie…
Il est de ces écrivains qui sont à la ville comme à la campagne et en littérature. Vifs, drôles, toniques, un brin ironiques. Curieux des autres. Soucieux du monde qui ne tourne pas très rond. Christian Laborde, le cœur ouvert, la plume en alerte, est un boulimique des mots, un bouffeur de verbes. Il aime le vélo, la boxe, les vaches, les platanes, Nougaro, Lubat. Leur point commun ? Le swing. L’art de l’improvisation, leur lien indéfectible avec la terre, la glaise, la sueur. Mais Laborde aime aussi les femmes, la musique punk, les 2CV, les Pyrénées, le Jurançon, fumer un clope en terrasse un verre à la main à l’ombre d’un platane…
Laborde est entré en littérature par effraction. Rien ne prédestinait ce jeune homme né à quelques encablures du col du Tourmalet à la littérature. C’est la vie, le bruit du torrent qui coule en bas du village, les blouses à fleurs de sa mémé, l’odeur enivrante des prés au printemps, la froidure de l’hiver, l’émerveillement de la caravane du Tour qui file à vive allure à hauteur de l’enfant, le patois et les « R » qui roulent dans les rues d’Aureilhan, l’accent qui fout la honte mais qu’un poète, Nougaro, aura tôt fait de réhabiliter, qui ont fait que… D’autres deviennent forgerons ou enseignants, flics ou voyous. Laborde sera écrivain.
Lorsque paraît en 1987 L’Os de Dionysos, c’est l’émeute au parloir des gardiens de la morale du temple en robe de bure. Le livre provoque l’ire d’une partie de la communauté éducative et des curetons. Il sera censuré pour trouble à l’ordre public, incitation au désordre et à la moquerie, danger pour la jeunesse en pleine formation physique et morale, pornographie, lubricité, paganisme et, le plus chic, abus de mots baroques. Qu’à cela ne tienne. A la bêtise des censeurs, il réplique par deux recueils de poèmes, puis des romans, de nouveau. En parallèle, il collabore à L’Idiot international. Plus tard, et aujourd’hui encore, il chronique le Tour de France sur RTL. A Avignon l’été dernier, à la Fête de l’Huma cette année, au stand des Amis, il joue, fredonne, vit et respire Nougaro dans un spectacle cousu de chansons de son ami Claude, pour un hommage sincère, joyeux et désordonné au chanteur des Minimes.
Ces derniers temps, il a publié coup sur coup deux ouvrages, La cause des vaches (Ed. du Rocher), plus qu’un pamphlet, un hymne à la vie, aux bêtes et aux honnêtes hommes. Et Le sérieux bienveillant des platanes (Ed. du Rocher), une ode à l’amour, aux femmes, aux anciens, aux platanes…Ecriture enfiévrée, sulfureuse et irrévérencieuse jusqu’au bout du point-virgule, qu’il aime à manier. Et vous tient en haleine jusqu’au point final…
Marie-José Sirach
(L’Humanité, 16 décembre 2016)
Pyrène et les vélos
« Ah les belles histoires du Tour, racontées ici avec un brio égal à celui des descendeurs...Christian Laborde aime le Tour parce que celui-ci prend parfois dans les Pyrénées les couleurs de la tragédie. Alors il redevient un môme qui, à côté de son père, applaudit les champions, écrit leurs noms à la craie sur le goudron et vocalise dans la montagne avec les voyelles de leur renommée... »
Bernard Pivot, Lire 1993
Gargantaur
Un écrivain qui résiste
Si Christian Laborde gagne à être connu, pareillement, et plus encore sans doute, le lecteur gagne à le connaître.
Tout d’abord, comment ne pas éprouver d’estime pour un homme qui
déteste les chasseurs, l’Europe et son Euro, le pouvoir du fric, la
flicaille post-moderne, les « élus » gestionnaires, les parcs
d’attractions, les e-mails, les banques, Rudolph Diesel, la Modernité,
l’énergie atomique, la bourse, les jeux ludo-éducatifs, les 4×4 pour
gros cons ?... Et comment ne pas éprouver de sympathie pour un homme qui
aime l’Argentine, les femmes, la D.S. « Prestige » vedettedu Salon de
l’Auto 1958, l’envol des mouettes, la jolie Clotilde qui se baigne nue
dans une rivière, le vent de la pampa, les nuances roses et mauves du
ciel, les coquelicots, les eaux jaunes du Paraña qui se joignent à
celles de l’Uruguay, les libellules, les vaches qui pleurent, le
souvenir d’une péniche sur un chemin de halage un soir d’été?
Gargantaur est un superbe roman et l’on enrage de ne pas bénéficier d’un
tel crédit qu’il suffise de le proclamer sans avoir à s’en expliquer.
Quoi, à la fin, ma parole ne suffit pas ?...On songe au mot de Pierre
Reverdy : « L’évidence paralyse la démonstration ».
Tentons tout de même, le moins pauvrement possible, d’évoquer ce roman...
Nous sommes dans un futur indéterminé mais du train où vont les choses,
c’est à dire du train où se défait un monde qui n’était pas sans
élégance, il est à craindre que nous nous trouvions dans un futur très
proche. A deux doigts du cauchemar entrevu dans Métropolis de Fritz
Lang (1927) puis Brazil de Terry Gilliam (1985), un demi siècle plus
tard. Sans parler d’Orwell... Au fond, Laborde ne fait
qu’accentuer les tendances de la société actuelle, les envisageant dans
leurs développements ultimes mais y ajoutant, contrairement au
sociologue, la grâce et l’efficacité du romancier en colère. Qu’on
imagine des centres villes pour nantis où la vie est aseptisée bien que
les effets du nucléaire s’y fassent sentir par la bande (si l’on ose
dire !) : sous le regard câlin de la poissonnière, le poissonnier sert
ses clientes très vite mais il est vrai qu’il a « quatre mains et deux
bites », ceci expliquant la joie des clientes et celle, en vérité d’une
autre nature, de la poissonnière. Aux portes de la cité radieuse bourrée
de flics, section d’assaut, milice et groupes de combats, on arrive à
la zone, lieu de la multitude, terre de métissages où les lascars en
colère ne laissent pas mourir le feu : autobus, voitures de pompiers,
immeubles, tout brûle à l’image de Gargantaur, complexe à ordures où
l’on enfourne frigidaires, porte-avions et autres camelotes qui
ressortent en lingots pour fabriquer d’autres frigidaires, de nouveaux
porte-avions et infiniment de camelotes.
Orlando, le personnage
central du roman, est chauffeur de taxi. Il roule en D.S. « Prestige »,
lit beaucoup et choisit ses clients. Dans ce monde si laid, et déjà si
proche du notre, il survit grâce au rêve d’Argentine où jadis partit un
de ses ancêtres. Au triomphe minable de la marchandise, il oppose Buenos
Aires, ville mauresque, terre de félicité et eldorado. Les vieilles
façades hispaniques contre le yaourt bio et survitaminé de l’imbécile «
heureux ». Le livre d’Albert Londres sur les cargos de la ligne
Hambourg-Montevideo contre les hyper surfaces. Le sud coloré et
odoriférant contre le nord « clean » et dépressif.
Certes,
Orlando pratique l’amitié et connaîtra l’amour mais bon, cette passion
si bien décrite (Laborde semble savoir aimer les femmes) ne sera pas des
plus simples...
On ne peut nier aussi qu’épouvanté par ce qui
nous attend, certains passages sont d’une drôlerie absolue et nous
arrachent un rire nerveux. Par exemple, dans ce meilleur des mondes, les
super-Verts feront arrêter en une nuit et à leur domicile tous les
chiens de la ville avant de les gazer : trottoirs propres obligent. Mais
l’autorité, qui veut hélas bien faire, clônera de malheureux clébards
qui seront génétiquement modifiés pour fabriquer le chien sans anus.
Adieu, étrons, mais adieu aussi liberté. Triomphe de la propreté dans
les villes moches et froides contre déjections canines dans les villes
de rêves où règne encore une humanité dont il faut savoir accepter
certains inconvénients. Alors, qui sont les barbares ? On a la propreté qu’on mérite.
A la réflexion, Laborde, révérence gardée, est un lascar des Lettres
Françaises quand tant d’autres, dont on fait si grand cas aujourd’hui,
n’en sont que les poupées gonflables. Laborde est un romancier de
tempérament, qui doit avoir beaucoup d’ennemis, comme il est d’usage
pour tout bon écrivain. Il est porteur d’un univers. Davantage révolté
que révolutionnaire, anti-conformiste qui ne se soumet pas, il est de la
famille des Barbey d’Aurevilly, des Bernanos. Ses petits frères
s’appellent Sébastien Lapaque et Jérôme Leroy. Il s’agit, on le voit,
d’un gentlemen et ne l’est point qui veut.
Bref, comme
d’habitude, il faudra cinquante ans pour que les crétins et les jaloux
l’admettent, mais en cette détestable époque, Laborde est un de nos
rares bons écrivains.
Frédéric H. Fajardie
Soror
«
Christian Laborde reste – il l’était avant Houellebecq et G. Dantec –
viscéralement hostile au monde marchand qui envahit, accable, défigure.
[…] Fureur des âmes et horreur du monde et, par-dessus tout, cette
musique des mots, qui joue comme la pluie, calmant ou aiguisant les
sensualités. »
Tribune Côte d’Azur 2003
Mon seul chanteur de blues
«
Loin de la biographie de pensum, un vif récit de l’amitié entre Claude
Nougaro et l’auteur. Malgré la différence d’âge, les deux hommes, quand
ils se rencontraient, avaient l’impression d’être des jumeaux qui
auraient eu pour parents la poésie et l’insoumission. Le même amour de
la langue les réunissait. Ces deux enfants du Sud-Ouest s’entendaient
donc à entremêler souplesse, esprit et sens du rythme. Autant de
qualités dans cet hommage au poète, plusieurs chansons appartenant à la
mémoire d’un peuple. Au grès des souvenirs, le fantôme de Jacques
Audiberti, de Jean Cocteau et d’Edith Piaf. C’est émouvant. »
Bernard Morlino Le Figaro littéraire, 2005
Le dictionnaire amoureux du Tour
« Christian Laborde n'est pas du genre à sauter une lettre de l'alphabet d'un dictionnaire, surtout lorsqu’ il s’agit de celui du Tour de France. Ce serait sacrilège comme une chaîne qui sauterait une dent d'un pignon. De A comme Abdoujaparov (Djamolidine) à Z comme Zéro (boule à) ", jamais un dictionnaire n'a porté l'adjectif amoureux , avec autant de panache. »
Anthony Palou, Le Figaro magazine 2007
Corrida Basta
«
Le livre est un pur régal! C'est le bouquin qui manquait pour détruire
définitivement cette race de crevures que sont les toreros! Olé " Gloire
à tous ces taureaux qui ont vengé, vengent et vengeront leurs frères
assassinés dans des arènes pour une mini flaque au fond du string d'une
poignée de connes, pour un peu de tension dans le slip kangourou des
connards qui les sautent! " Christian Laborde, dans un style d'une rare
sauvagerie, comme j'apprécie, dézingue la " chorégraphie charognarde" de
la corrida avec un rare bonheur. J'aurais aimé écrire ce livre. Trop
tard.
Siné, Siné hebdo, 6 mai 2009
Le soleil m’a oublié
Ecrivain
talentueux, Christian Laborde a plus d’une corde à son arc. Biographe
de Nougaro ( « Mon seul chanteur de blues », éditions La Martinière,
2005) et de Renaud (« Renaud », Flammarion, 2008), poète (« Congo »,
éditions d’Utovie, 1987), pamphlétaire, ennemi juré de la corrida («
Corrida basta », Robert Laffont), essayiste, fou de vélo ( « Le Roi
Miguel », Stock 1995, « Dictionnaire amoureux du Tour de France », Plon,
2007), et surtout, surtout, bouillonnant romancier de haut vol ( il
faut lire à tout prix son génial « L’Os de Dionysos », Pauvert, 1999 ,
mais aussi « Soror », Fayard ,2003) En cette rentrée littéraire, le
voici de retour avec un roman uppercut, plein de violence, de suspens,
d’amour, de sensualité, de grâce et de folie : « Le soleil m’a oublié ».
Il
nous invite à suivre les pérégrinations de Marcus, un jeune garçon à la
fois bon, généreux. Et violent. C’est à cause de cette violence qu’il a
été contraint de quitter le lycée. Pour la canaliser, il s’adonne à la
boxe. Dans cet art, il s’exprime avec talent. Avec passion. Pour gagner
de l’argent, il est veilleur de nuit dans un hôtel de passe où ses
qualités de puncheur font merveille, au grand désespoir de costauds
abrutis d’alcool ou de maquereaux qui se croient tout permis. L’hôtel
appartient à Vico, comme le club de boxe dans lequel Marcus s’entraîne.
Parfois, après avoir bu, il part cambrioler quelques maisons bourgeoises
en compagnie de copains. Un soir, au cours d’un entraînement, il croise
Roxane, la femme de Vico. Coup de foudre. Passion immédiate. Il ne peut
l’oublier. Il brûle d’amour et de désir. Mais comment l’aborder ? Comme
la retrouver ? Vico lui tendra involontairement une perche en lui
demandant de venir réparer l’ordinateur de Roxane. Elle finira par lui
proposer un rendez-vous. Marcus n’a jamais aimé avec autant d’intensité.
Mais
on s’en doute, la belle histoire d’amour se terminera très mal. Car
Vico a appris l’aventure de sa femme avec le très jeune homme. Le compte
sera réglé à coups de nerf de bœuf…
Le court roman est mené tambour
battant. Pas un gramme de graisse, pas un mot de trop dans ce texte
étincelant, émouvant, tout en muscles comme un blues de Jimmy Reed.
Philippe Lacoche, Le Courrier picard, mardi 31 août 2010
Diane, et autres stories en short
Christian
Laborde fantasme tellement sur les nanas en short qu'il en fait 17
portraits alertes, fuselés, fins et dorés. Je ne comprends pas son
fétichisme du short: je préfère les filles en minijupe ( ne serait-ce
que pour des raisons pratiques) ou les filles en shot(plutôt de vodka au
caramel). Pour tant je l'avoue: comme l'actrice Marie-Josée Croze, j'ai
dévoré ses textes la bave aux lèvres. Laborde est un amoureux
insatiable(un "perv", dit une de ses héroïnes), il me rappelle Charles
Denner dans "L'homme qui aimait les femmes" quand il tape à la machine
et articule ceci fiévreusement: " Elles sont des milliers, tous les
jours, à marcher dans les rues. Mais qui sont toutes ces femmes? Où
vont-elles?"
Connu de nos services de police pour érotomanie publique
et manifeste depuis l'interdiction de "L'os de Dionysos" en 1987,
Christian Laborde est un dangereux obsédé textuel, béarnais de souche,
surnommé "le D'Artagnan des mots" par la revue nantaise "Chiendents". "
Diane et autres stories en short" n'est pas un recueil de nouvelles mais
un catalogue de femmes: des tranches de fille. Il y a Irène, Anne,
Diane(celle du titre), Florence, Mathilde draguée " à Auchan, au rayon
frais", Hélène, Rita, Rebecca. Surtout Rebecca, qui lui inspire une rime
simple: " le paradis, ici-bas, c'est la culotte de Rebecca."(Je parie
que cette fraîcheur aurait amusé Pierre de Reigner, ainsi que toutes les
rimes en -a de la page 116). Les poètes ont besoin des muses, en short
ou pas. Laborde fait jazzer la langue comme son ami Nougaro, sur lequel
il a écrit trois livres; parfois il pousse le vice jusqu'à bousculer
l'orthographe: " Je denouerai le ceinture de son peignoir"(page 21,
c'est moi qui souligne). La beauté féminine le trouble tant qu'il en
changerait presque le sexe des mots.Laborde a milité contre la corrida
et pour les ours des Pyrénées. Cette fois, son engagement est quasi
religieux. Le short gris de la demoiselle qui lit "Hantises" de Joyce
Carol oates à la terrasse du Gotiko Bar peut être considéré comme une
relique sacrée. Son livre est un manifeste primesautier et libidineux,
comme " Les jambes d'Emilienne ne mènent à rien" d'Alain Bonnand. Que
devient Alain Bonnand? Il se cache, il a disparu. Peut-être s'est-il
lassé de n'être pas reconnu à sa juste valeur. Un peu comme Christian
Laborde, il est victime de l'indifférence des médiocres. Il n'y a pas
qu'en Sirie que le silence peut tuer.
Fréderic Beigbeder Le Figaro Magazine.

Madame Richardson et autres nouvelles, suivi de Quai des bribes
On
l'avait laissé en 2012 reluquant les shorts - ces « copeaux d'Éros » -
de Diane et de ses affriolantes copines (Diane et autres stories en
short, Robert Laffont). Après un détour par le Tour de France et un
superbe Parcours du cœur battant dans le sillage de son ami Claude
Nougaro, oyez ! oyez ! pas le temps de reprendre son souffle car revoilà
Christian Laborde, percutant nouvelliste, qui vient nous shooter aux
héroïnes de Madame Richardson et autres nouvelles.
Douze textes qui
filent à toute berzingue, sans temps mort mais trompettes oui, celles
des cuivres de Duke Ellington par exemple, qu'on entend, avec Camélia
Jordana, Charles Trenet, Cat Stevens, Vanessa Paradis, et bien d'autres
encore, dans la longue playlist donnée en fin de recueil et qui
ressemble à la BO de ce livre à sketches, comme d'autres ont fait des
films.
Aucun doute d'ailleurs, le cinéma est bien l'une des grandes
sources où puise l'encre de Christian Laborde, celui de Lautner
peut-être, de Louis Malle sûrement. Sur l'écran noir de ses pages
blanches, se déroule la pellicule de quelques troublants courts-métrages
: l'éponyme « Madame Richardson » qui prend un amant pour se délivrer
d'un mari ennuyeux à mourir, « L'Espagnol » que les hommes regardent de
travers au village et qui se tape leurs femmes pour se venger, « La
Bamba » et sa cavale d'amour éperdu… On retrouve aussi avec plaisir
toute la veine surréaliste de Christian Laborde, lorsqu'il entonne Le
blues du cartable de Constance Beaupré, la prof de français sexy du
lycée Alexandre-Dumas, ou qu'il nous plonge surtout dans le merveilleux
bain d'« Aquarium »…
Mais il faut avouer un faible pour Trois
saisons, cette longue valse noire qui commence avec la nostalgie sacrée
de Robert Charlebois quand la mère meurt (« Les cantiques, ça vaut pas
Je reviendrai à Montréal »), se poursuit dans la douceur tragique de la
belle Albane (« et tout ce que son souffle charriait d'enfance, de neige
et de nuit, de désastre et d'aube, était à moi »), et s'achève dans
l'impossible passion de cours particuliers de français qui dérapent («
Sa bouche, c'était juin. Juin, qui m'avait perdu de vue, venait à ma
rencontre »).
Autant d'histoires qu'on traverse d'une traite,
fussent-elles parfois empreintes d'une certaine facilité adolescente
dans l'écriture, que vient pourtant magnifier, pour les plus réussies,
d'éblouissantes trouées poétiques. Rien de plus libre alors, de plus cru
parfois, de plus beau en un mot pour dire la beauté de ces héroïnes qui
aiment leur corps, le désir qu'il suscite, et la jouissance qu'il
procure.
À noter que les douze nouvelles sont suivies de Quai des
bribes, qui réunit des Mots éparpillés sur le net et dans les journaux,
de la victoire de Carlos Sastre au Tour de France à la mort de Lou Reed.
Soit pas moins de 52 « texticules », pour reprendre le mot de Raymond
Queneau, où l'on retrouve avec délectation la plume du pamphlétaire et
son jeu favori de sacre et de massacre. D'un côté, le concert du pivert
de l'avenue des Lauriers, digne élève d'un Bernard Lubat ; le voleur des
culottes des femmes d'Adast, cet « amant des plis », ce « lecteur
d'étoffes » ; la pluie, miraculeuse, qui « transforme nos toits de
tuiles ou d'ardoises en xylophone » ; Laurent Fignon… De l'autre,
l'arrogance des 4x4 des « cardiologues incultes » ; les supporters du
Qatar-Saint-Germain…
Un plaisir roboratif.
Frédéric Aribit, La cause littéraire 2014 25 mai 2012
La cause des vaches
Et
si les animaux d’élevage étaient devenus une cause culturelle à
défendre ? Des voix s’élèvent pour dénoncer leur réduction en « machine à
lait »au service d’une économie devenue folle.
On aurait tort de
laisser la question des vaches, et plus généralement la question
animale, aux hurluberlus de l’antispécisme, ce courant de pensée qui
entend conférer à l’animal un statut similaire à celui de l’être humain
et qui estime que distinguer entre un homme et un animal est faire
preuve de racisme. La conception que l’on se fait de l’animal a, certes,
évolué depuis Descartes, qui ne voyait en lui qu’un automate( «
l’animal-machine ») dont les cris, lorsqu’on le torturait, n’étaient que
la conséquence de dysfonctionnements dans les rouages et non
l’expression d’une souffrance.
Mais à cet extrême répond aujourd’hui
un autre extrême, qui propose de traiter les animaux à l’égal des
humains et de leur conférer des droits qui empêcheraient les hommes de
les élever et de les tuer. Comme le dit Chantal Delsol, « il y a là un
emballement vertigineux et déréglé de l’indifférenciation à l’œuvre dans
la postmodernité ». Toute distinction(entre les cultures, les sexes,
désormais entre les vivants) devient discrimination qu’il faut
combattre.
Pour autant, la manière dont sont traités les animaux
d’élevage dans notre société suscite de plus en plus de réactions
légitimement scandalisées.
L’écrivain Christian Laborde publie ainsi
un petit pamphlet contre l’agrobusiness, lequel est également un poème
exalté célébrant ce paisible animal, ô combien lié aux paysages de notre
pays et, partant, à son identité profonde. Dans le viseur du
pamphlétaire : la fameuse ferme-usine des 1000 vaches, en Picardie.
Selon le témoignage d’un ancien salarié paru l’année dernière sur le
site Reporterre, les bovins y vivent dans des conditions épouvantables.
Les vaches ne voient jamais le soleil ni les prés, elles sont sales et
malades, souffrent et meurent en grand nombre.
A rebours de cette
vision d’apocalypse, Christian Laborde se souvient des vaches
pyrénéennes de son enfance, qui avaient toutes un nom : Aubine, Cardine,
Piguéte, Mascarine, Paloume, Poulide, Aricade….Il se souvient des
étables à taille humaine où virevoltaient les hirondelles et où les
bêtes étaient correctement soignées par les fermiers, du curé qui
bénissaient le troupeau en gascon à grand renfort de signes de croix. Il
rappelle que le jour où elles regagnent les prés, après l’hiver passé à
l’étable, les vaches dansent : « [Elles] meuglent, certaines levant la
tête, d’autres la maintenant baissée[…].Puis, l’une d’elles, s’élance,
d’un bond, les pattes avant griffant l’air vif. Lorsqu’elles touchent de
nouveau le sol, ce sont celles de derrière qui à leur tour se
soulèvent[…] et toutes ces vaches, et toutes ces bêtes que l’on croyait
balourdes font montre, dans la lumière et le vent retrouvés, de tout
leur talent, de toute leur grâce », écrit celui qui n’oublie pas de
rendre hommage à Saint François d’Assise, le magnifique illuminé qui
parlait aux oiseaux.
C’est cette même danse des vaches, découverte
dans un documentaire diffusé sur Arte, qui a convaincu le philosophe
Alain Finkielkraut de faire figurer une tête de vache sur son épée
d’académicien. « Remonté contre l’élevage intensif, je ne me résigne pas
à la fermeture des fermes », déclarait-il peu avant sa réception à
l’Académie française, en janvier dernier.
C’est bien en effet dans
l’élevage intensif que réside le problème. Un mode de production dans
lequel il revient désormais trop cher de soigner correctement ses bêtes
si l’on veut rester compétitif. Telle est la triste réalité d’un monde
qui n’accepte plus aucune contrainte autre que celle de l’économie, à
laquelle tout doit être soumis, et qui est prêt à sacrifier pour elle
jusqu’à l’âme du pays.
Olivier Maulin Valeurs Actuelles, 12 mai 2016
De
Claude Nougaro, son ami, son modèle, auquel il a consacré des livres
filiaux et dont il transmet la bonne parole de ville en ville(il
exaltera « l’Homme aux semelles de swing » au Festival d’Avignon, du 7
au 30 juillet), l’intranquille et réfractaire Christian Laborde a hérité
de l’art de jongler avec les mots, la fibre jazzy, le physique de
boxeur et l’accent tonique du Sud-Ouest. Même quand il râle, fulmine et
part en guerre, on dirait qu’il chante, danse et s’esclaffe. Cette fois,
le défenseur des ours des Pyrénées et des taureaux que la corrida
martyrise se bat « pour le droit des vaches à disposer de l’herbe » et
contre la ferme-usine picarde des mille vaches, ce camp de torture et de
mort, ce « stalag de béton et de fer ». Avec une rage voltairienne, il
vitupère « les Vanderdendur de l’agrobusiness »(allusion à
l’esclavagiste de « Candide »), en appellent à tous ceux qui ont célébré
la vache(de la peintre Rosa Bonheur au poète Norge, de saint François
d’Assise à Roger Vitrac), se remémore les prairies laitières de son
enfance, sur les bords de l’Adour, et les rues d’Aureilhan, où les
belles ruminantes avaient la priorité. Comme toujours, Christian
Laborde, balançant à chaque page ses « jabs syllabiques », excelle dans
l’excès. La preuve avec « la Cause des vaches »(Rocher, 15 euros), à la
fois pamphlet contre la dictature de la « désanimalisation » et chant
d’amour à des bêtes qu’il compare à des danseuses étoiles, des coureurs
cyclistes, des rockeuses, de merveilleux nuages et des messagères des
dieux. Sûr que Nougaro en aurait fait une chanson punchy.
Jérôme Garcin, L’Obs, 25 mai 2016
"Un réel souffle poétique", Michel Houellebecq, membre du jury.
Les vaches sous la Coupole
Le jeudi 30 novembre 2017 L’Académie française reçoit sous la Coupole, dans une séance publique annuelle présidée par M. Jean-Christophe Rufin, les lauréats qu’elle a distingués au cours de l’année. Monsieur Michael Edwards, Directeur en exercice, parle ainsi de la Cause des vaches, essai auquel L’Académie française décerne le Prix Jacques_Lacroix :
« Il s’agit d’un essai vigoureux, voire pamphlétaire, pour dénoncer le calvaire que nous infligeons (en particulier) aux vaches, à l’heure où l’animal cesse d’être un animal pour ne devenir qu’une machine à lait ou à viande. Un magnifique plaidoyer »
Le sérieux bienveillant des platanes
Ce
qui frappe chez Christian Laborde, troubadour de l’Adour, swingueur
intempestif qui a su faire à l’occasion danser la langue avec ses
compatriotes et amis du Sud-Ouest comme Nougaro ou le jazzman Bernard
Lubat, c’est une forme de constance. Il est toujours en guerre, depuis
presque trente ans, contre l’ennemi le plus dangereux qui soit: le
désenchantement du monde. Il a ainsi passé les trois dernières décennies
à vider ses chargeurs sur la grisaille clinquante d’une société qui a
commencé à installer son cauchemar mal climatisé dans les fatidiques
années 80. A l’époque, qui est aussi celle où il a collaboré à L’Idiot
international, il pouvait paraître alarmiste. Aujourd’hui il est devenu
le greffier lyrique de nos renoncements et nos amnésies. Attention, si
Laborde regrette le monde d’avant, il n’est pas pour autant nostalgique :
il y a trop d’énergie, d’électricité soyeuse dans ses romans, ses
essais, ses nouvelles, ses poèmes. Il suffit de lire ses deux derniers
livres pour s’en convaincre : La cause des vaches, un pamphlet qui a
beaucoup fait parler de lui juste avant l’été et un roman qui sort pour
la rentrée littéraire, Le sérieux bienveillant des platanes, dont le
titre emprunté à Jean-Claude Pirotte, autre paysagiste vagabond disparu
il y a deux ans, nous indique si besoin était que l’on est en bonne
compagnie.
De quoi avons-nous fait le deuil ou plutôt de quoi doit-on
refuser de faire le deuil, voilà la question qui forme la colonne
vertébrale de cette œuvre qui a célébré et qui célèbre, dans le
désordre, les femmes callipyges, les ours, les paysages, les vaches, les
arbres ou encore le courage des coureurs cyclistes, les idoles de
Laborde qui à l’instar d’Antoine Blondin, connaît les plaisirs des
caravanes du Tour de France où le dépassement héroïque de soi a pour
décor les villages du vieux pays au lieu des remparts de Troie mais
reste le même depuis plus de deux mille ans.
Laborde est entré en
littérature par un scandale mais ce qui est important, sans le
rechercher. C’était en 1987. Son premier roman, L’Os de Dionysos, était
publié par un petit éditeur du Sud-Ouest et a été interdit, presque
aussitôt, par les tribunaux avec notamment, dans les attendus du
jugement, une étonnante « incitation au paganisme. » Laborde, parce
qu’il était aussi professeur dans un collège religieux, était devenu un
railleur subversif, un pornographe vicieux et on imagine sans peine ce
que durent être les conspirations mauriaciennes pour étouffer ce livre.
Heureusement, en 1989, le titre était repris par Régine Deforges et
connaissait un succès qui mit Laborde à l’abri. L’auteur se demande
encore aujourd’hui s’il était l’ultime victime d’une censure old school
de type pompidolien ou la première de ce néopuritanisme qui laisse la
pornographie s’étaler sur Internet mais s’interroge gravement pour
savoir s’il serait aujourd’hui opportun de publier Lolita.
Laborde
était tout entier dans ce premier roman, c’est à dire un païen sensuel,
ce qui prouve que les juges avaient vu juste. Comme le dieu qu’il
prenait pour intercesseur, il montrait son goût pour la danse, la
démesure, le plaisir. Son héros, professeur de français, luttait contre
la bêtise et la médiocrité de ses collègues et de ses supérieurs. Il
avait deux armes à sa disposition, les mêmes qu’il utilise encore
aujourd’hui : l’écriture et la femme. Dans L’os de Dionysos, la femme
s’appelait Laure d’Astarac. A la femme, il devait d’oublier son
quotidien, à l’écriture d’échapper à un destin de mort vivant. Dans Le
sérieux bienveillant des platanes qui raconte l’histoire d’un poète
marginal, un peu rocker, un peu voleur revenant dans son village
d’enfance en compagnie de Joy, une prostituée, pour aller enterrer son
grand-père, un ancien de la Légion étrangère, on retrouve la même
oscillation entre la chronique acide d’une société enlaidie et la joie
panique, totale, d’être au monde et de le dire. Dans L’Os de Dionysos,
la célébration du cul de Laure succédait ainsi au portrait d’une
principale frustrée tandis que dans Le sérieux bienveillant des
platanes, ce sont les seins de Joy qui font oublier à l’enterrement la
présence d’un père créatif, ex-soixante-huitard, chainon volontairement
manquant de la transmission entre le grand-père et le petit fils.
Ce
qu’on ne pardonne pas aux écrivains dont on condamne les livres, depuis
Flaubert et Céline, c’est le style parce que le style, loin de toute
codification porno, rend la sensualité vraie des corps dans l’amour
comme l’explique Tom, le héros des Platanes : « Seul le frémissement des
seins sous un chemisier peut rivaliser avec celui du feuillage quand le
vent d’été s’égare dans les branches des arbres. C’est un truc que je
sais et ne lis nulle part. Y a pas le corps dans les livres
d’aujourd’hui bien que leurs auteurs prétendent le contraire. Ca exhibe,
ça affiche, ça filme de près, mais le corps, ils le ratent, ils passent
à côté, parce que le merveilleux, c’est pas leur truc. Ce sont des
huissiers, des adeptes de l’inventaire. Et les poètes, les mecs qui
marchent à l’imagination, ils les dénoncent aux flics. »
Il est
vain d’essayer de classer politiquement Laborde. On se souvient de
l’avoir croisé en 2002, dans les parages des soutiens à la candidature
de Jean-Pierre Chevènement. Cela n’avait pas été une mince affaire de
convaincre cet Occitan amoureux de son terroir de soutenir le candidat
du jacobinisme retrouvé. Mais il y avait chez Chevènement une manière
d’aimer la France d’avant et chez Laborde de ne pas concevoir son
régionalisme autrement que comme un universalisme qui avait permis une
synthèse.
On retrouve cette synthèse dans La cause des vaches où il
nous parle de la manière concentrationnaire dont fonctionnent les
néo-fermes de l’agrobusiness et où son indignation flamboyante s’appuie
sur une vraie documentation. Déjà, il s’était fait connaître pour son
opposition à la corrida et au tunnel du Somport qui allait mettre en
danger nos amis les ours. Et pourtant il n’y a rien d’un végan
antispéciste chez Laborde. Il n’aime pas les vaches comme des égales, il
aime les vaches comme il aime les platanes qui disparaissent le long
des routes au nom du principe de précaution pour les automobilistes :
parce que le monde est plus beau avec des vaches heureuses et des
platanes ombreux que sans : « Quand je te parle des vaches, je te parle
de toi, également de lenteur. C’est pas un truc de vieux, la lenteur. La
lenteur, c’est un truc de gourmand. II s’agit d’écouter, de regarder,
de savourer, de méditer, comme le faisaient les vaches. Je les ai vues
faire, les vaches. Elles n’accéléraient jamais. Le sabot sur le
champignon, jamais. »
Jérôme Leroy, Causeur 11 septembre 2016
(1) : Danse avec les ours, Régine Deforges, 1992 ; Corrida, basta !, Robert Laffont, 2009.
Les derniers seront les premiers
Un journaliste professionnel ne devrait pas parler de ce livre : trop tard, il ne figure plus dans « l’actu ». Le Sérieux bienveillant des platanes, de Christian Laborde fut publié le 18 août 2016, autant dire il y a un million d’années. Ce n’est pas faire injure à son auteur que d’affirmer que ce livre ne fut pas l’événement de la rentrée. Les libraires l’ont probablement déjà remplacé sur leurs étals par un des romans à paraître la semaine prochaine, ceux de Pennac, Rouart ou Lambron. Il n’a pas obtenu de prix littéraire, il n’a pas fait scandale, il n’est passur la liste des best-sellers. Pourtant ce petit roman buissonnier vous offre une parenthèse enchantée si, comme toute personne saine d’esprit, vous avez envie d’échapper quelques instants à votre famille entre Noël et le Nouvel An…
Tom, un rockeur gascon, emmène Joy, une princesse prostituée, à l’enterrement de son grand-père. Ils traversent le sud-ouest de la France en Volkswagen. Avec leurs amis, ils volent des verre en cristal pour y verser du vin tannique, tout en se dopant à la « poule au pot belge ». Les voilà partis dans une virée anarchiste et écoutant Wasting my Young Years de London Grammar, une fuite qui rappelle les exodes ruraux d’Olivier Maulin, vers un deuil qui révèlera des secrets datant de la guerre…
Christian Laborde n’est pas n’importe qui : le dernier écrivain censuré en France, pour « trouble illicite, incitation au désordre et à la moquerie, pornographie,[…] danger pour la jeunesse en pleine formation physique et morale » selon le jugement du tribunal de Tarbes en 1987. Une décoration plus prestigieuse que la Légion d’honneur. Il n’écrit pas, il scande. Cet exégète de Claude Nougaro rythme ses phrases comme le troubadour toulousain. Le lisant, on entend son accent syncopé. Laborde, c’est un rappeur avec du vocabulaire, un slameur qui aurait lu Céline (pas Dion, l’autre). Une racaille rocailleuse et rabelaisienne. Parfois il en fait trop ? Objection, votre honneur : il faut trop de tout, car comme disait Ted Nugent : « Si c’est trop fort, c’est que vous êtes trop vieux. » Je peux vous assurer que cette odyssée occitane respire la joie et la liberté. En plus, c’est vrai qu’ils ont un sérieux bienveillant, les platanes, sauf quand on fonce dedans sans airbags. En conclusion, n’oublions pas le principal : personne n’a lu L’Ecume des jours à sa sortie. Ne prenons pas la vitesse de rotation des offices pour un critère de qualité éditoriale. Le succès est à la littérature ce que les sondages sont à l’élection.
Frédéric Beigbeder
Le Figaro magazine, 31 décembre 2016
Tina
La belle écriture épurée de Christian Laborde
Un roman de Christian Laborde est toujours attendu avec impatience. Car ses lecteurs savent bien que, jamais, il ne laissera insensible. Christian Laborde, poète avant tout, musicien des mots, est toujours là où on ne l’attend pas. Là, avec les amours torrides entre un professeur et l’une de ses jeunes élèves ; ici, défenseur de lance Armstrong ; un peu plus loin biographe de Renaud ; et, toujours, ami et laudateur (à juste titre) de l’immense Claude Nougaro ; puis au côté du champion cycliste Robic…Insaisissable Christian…
Son personnage, Léontine, dite Tine, dite Tina, est ici ciselée avec une infinie précision.(« Léontine est le prénom qui figure sur sa carte d’identité, le prénom que prononçait la maîtresse d’école quand elle l’envoyait au tableau », confie l’auteur. « Tine, c’est le diminutif que lui donne sa famille, notamment sa grand-mère. Et Tina, c’est le prénom qui lui fabrique Viktor, qu’elle rencontre à Toulouse où elle s’est cachée pour échapper aux tondeuses de l’Epuration. Elle est à la fois Léontine, Tine, et Tina, insaisissable. ») Sa rousse chevelure(qui est peut-être en sursis), nous est décrite par le menu ; ses relations avec le glacial et assez répugnant lieutenant allemand Karl Shäfer, également. Ce bon ami d’Outre-Rhin vivait dans une chambre de la maison de la mère de Tina, réquisitionnée par l’envahisseur. Shäfer aime la poésie en général et Verlaine en particulier(c’est incroyable comme les zélés membres de l’armée allemande et les nazis ont aimé nos poètes !). Il parvient à séduire Léontine et à la glisser dans son lit.(L’Allemand sait être envahissant et faire preuve d’autorité.) La pauvre le paiera chèrement et abusivement : des résistants de la dernière heure la poursuivront et voudront réduire à néant sa rutilante et moussue chevelure. Grâce notamment à son ami Gustin(que l’on considère comme l’idiot du village), Tine parviendra à fuir. Elle se sauvera à Toulouse, sera protéger par des religieuses(elle aura une sensuelle histoire d’amour avec l’une d’elles, sœur Cécile, travaillera dans une boulangerie-pâtisserie, croisera Viktor, un jeune poète apatride, résistant, et vivra avec lui des folles amours flamboyantes et subreptices. Lorsqu’on lui demande comment lui est venu l’idée de ce livre, l’écrivain de Pau, répond : « Un jour où je mettais un peu d’ordre dans les livres, dans les piles de livres – je suis un peu…labordélique !-, je suis tombé sur Au rendez-vous allemand, le recueil de poèmes de Paul Eluard, je l’ai ouvert et j’ai relu le poème qui commence ainsi : « Comprenne qui voudra/Moi mon remords ce fut/La malheureuse qui resta/Sur le pavé/la victime raisonnable/ A la robe déchirée »…Eluard évoque une de ces femmes tondues à l’Epuration…Et j’ai eu envie de lui donner un visage…Un visage et un prénom : elle s’appelle désormais Tina. »Christian Laborde mène son court roman tambour battant pour nous donner à lire une manière de long poème en prose. Du grand art. Vivement conseillé.
Philippe Lacoche